Shanghai
Sable de la ville au matin, la chair des galets, voilà tout.
De nos tours se perd la métrique quand le matin les décolore.
Les routes filent vers dimanche – Dimanche : le tube de blanc
Qu’à coups répétés les doigts pressent, vidant
Ce qu’il recèle - tout le blanc, le blanc du dimanche
Etalé sur, blanche, la toile.
La ville se répète jour après jour, plus chaude,
Plus froide, plus humide, plus claire ou embrumée selon les temps.
Elle se dresse vers le ciel comme un ours enchaîné
Vers le morceau de poisson qu’on lui tend, elle se dresse sans retomber,
Ni sans monter beaucoup plus haut.
Plutôt que sa montée, faut-il alors mimer sa densité, se fondre
Dans son plomb d’amour et d’ennui (par la nuit
L’un l’autre plus lourds), son air, sa poisse, son vide, ses pleins - jusqu’à savoir
Combien Shanghai porte d’elle-même jusqu’au delta, jusqu’à la mer,
Quel est son poids de fretin mort,
Et relâcher ce qui, léger, reste de vie dans les voies d’eau ?
Car l’eau partout affleure ici. Ce ne sont que trous recouverts,
Digues, jetées, coulées, rus et canaux, pompes, levées, ensablements,
Des rives perdues, introuvables. Les tours peut-être sont l’effet
De toute cette eau compressée
Qui rejaillit, une efflorescence immobile. Les statues à leur pied,
C’est nous ! Qu’on croit bouger quand les tours seules, les tours s’émeuvent.