Le comté de Shangri-la, anciennement Zhongdian, sur la pointe nord du Yunnan, constitue une micro-région frontière où cohabitent depuis longtemps Tibétains, Han, Naxi, Hui et d’autres groupes ethniques encore. Au sein du comté, le village de Napa compte trois cents personnes environ, soudée, serrée derrière une grille d’entrée. En juillet 2007, j’y ai vu les paysans discuter avec ardeur, deux soirs de suite, de l’organisation à mettre en place pour envoyer les enfants à l’école à quelques kilomètres de là (l’école locale s’arrête après la troisième année d’enseignement primaire), de la répartition des frais et bénéfices du centre touristique en préparation, de l’acceptation d’un nouveau foyer fiscal dans la communauté villageoise (un accord unanime est nécessaire, sanctionné par l’apposition du pouce sur le document ad hoc) et de l’éventuelle déposition du chef de village, par trop inefficace au goût de certains… Si la première soirée virait à l’aigre, la seconde se passa beaucoup plus paisiblement, peut-être grâce à la présence muette mais pacifiante d’un lama originaire de l’endroit, un endroit qui pourtant ne connaît pas la ferveur religieuse d’autres parties du Kham. Les symboles dévotionnels sont rares, le nombre des moines bien plus réduits. Surtout, j’ai été témoin de rites locaux accomplis furtivement, tels la divination au moyen d’un œuf, rites bien enracinés mais qui suscitent toujours l’ire tant du clergé bouddhique que des responsables communistes… Sur ces extrémités du Kham, les origines chamaniques ressurgissent avec ténacité et –là encore – ne sont pas aisément séparable du goût pour un style de gouvernement « sans État » manifesté par les communautés locales.